Projets photovoltaïques sur le domaine public communal
- tvengeon
- 24 juin
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours
Produire de l'énergie sur les bâtiments communaux sans investissement initial : une aubaine pour les collectivités !
Installer 100 kWc de panneaux sur la toiture de 500 m² d’un gymnase communal, c’est générer environ 100 MWh d’électricité par an – de quoi couvrir l’éclairage public d’un bourg moyen – sans engager la ligne « investissement » du budget communal lorsque le financement est confié à un tiers-investisseur.
Mais la toiture appartient au domaine public. Le Code général de la propriété des personnes publiques (ci-après CG3P) impose un passage obligé : aucun opérateur ne peut occuper la surface sans un titre d’occupation temporaire (AOT, BEA, etc.), et l’autorité propriétaire doit, avant de délivrer ce titre, organiser une mise en concurrence transparente pour tout projet "à finalité économique".
Or ce garde-fou juridique se heurte aux exigences de bancabilité. En effet, un investisseur a besoin de visibilité sur la durée du contrat, le montant de la redevance et le sort de l’ouvrage pour mobiliser des capitaux. Entre la protection d'usage du patrimoine public et la viabilité financière d’une centrale, tout l’enjeu est donc d’aménager un contrat qui rassure les prêteurs sans dénaturer le régime domanial.
Comprendre comment articuler ces deux logiques – sécurisation du domaine public et exigence de rentabilité – constitue la clé d’un projet photovoltaïque communal, qu’il se déploie au sol, en ombrière ou en toiture.
Avec une chronologie maîtrisée, le photovoltaïque sur domaine public redevient un levier évident : production locale, recettes régulières pour la commune, visibilité climatique auprès des administrés. Le cadre public ne ferme pas la porte, il trace simplement la procédure à suivre pour transformer une toiture communale inoccupée en kilowattheures utiles et rentables pour le territoire.
Qu’est-ce que le domaine public ?

En droit français, un bien communal entre dans le domaine public lorsque deux conditions sont réunies : il appartient à une personne publique, et il est soit « affecté à l’usage direct du public », soit consacré à un service public moyennant un « aménagement indispensable » (art. L2111-1 du CG3P).
La qualification est fonctionnelle : elle suit la vie du bien. Une halle de marché redevient domaine privé si elle cesse d’accueillir le public. À l’inverse, une friche destinée à devenir groupe scolaire bascule dans le domaine public dès que la décision d’affectation et les premiers travaux sont engagés.
Le domaine public est doté de deux verrous protecteurs : l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité (art. L3111-1 du CG3P). Le bien ne peut être ni vendu ni approprié par simple occupation prolongée.
Exemples concrets de supports déjà classés :
Toitures d’écoles, de gymnases ou de piscines couvertes ;
Façades et parc de stationnement d’un hôtel de ville ;
Cours d’école, parvis et esplanades ouverts sans restriction ;
Parkings-relais servant un réseau de bus ou de tramway.
Chacun de ces biens peut accueillir des panneaux solaires, mais leur statut impose une procédure spécifique (mise en concurrence, titre d’occupation temporaire) qui sécurise à la fois la collectivité et l’investisseur.
Notre avis d’expert Identifier dès l’amont si un toit, un parking ou un terrain relève du domaine public n’est pas un simple détail juridique : c’est la clé qui déterminera la procédure, le contrat, le calendrier d’un projet photovoltaïque communal. |
Procédure de sélection du candidat
L'appel à manifestation d'intérêt

Dans un projet photovoltaïque en tiers-investissement, la commune n’achète aucune prestation : elle confère à un opérateur un droit d’occupation de son domaine public pour qu’il finance, installe et exploite les panneaux solaires. Le flux financier s’inverse donc par rapport à un marché public : l’occupant verse une redevance à la collectivité en contrepartie du titre d’occupation.
Ce schéma relève du Code général de la propriété des personnes publiques, lequel pose un principe clair : aucune occupation économique du domaine public ne peut être autorisée sans mise en concurrence préalable (art. L 2122-1-1). Pour satisfaire à cette exigence de transparence et d’égalité d’accès, la commune publie un appel à manifestation d’intérêt (AMI) : une annonce ouverte invitant tout opérateur intéressé à se porter candidat avant la délivrance du titre d’occupation.
Contrairement à un marché public, l’AMI est une procédure ad hoc : la collectivité choisit librement son calendrier, ses critères et ses exigences, pourvu que l’information soit complète et la transparence assurée. Elle évite ainsi l’application des règles, plus lourdes, du Code de la commande publique (art. L 2 CCP) tout en sécurisant juridiquement l’occupation et les recettes domaniales.
Dès que la délibération du conseil municipal autorisant le lancement de l’AMI est adoptée, l'AMI est diffusé — au minimum au BOAMP et sur le site communal, et, le cas échéant, au JOUE pour toucher les opérateurs européens. Toute la suite dépend de la qualité du cahier des charges : délai et modalité de remise de plis, questions intermédiaires, visites de site, ... plus il décrit le périmètre (surface, contraintes de charpente, point de raccordement pressenti), la durée de l'occupation et la grille de notation et de pondération, moins il y aura de questions, d’écarts de prix et de recours. Ce document, qui fera foi lorsque le préfet contrôlera la légalité ou qu’une banque analysera le risque.
Le cahier des charges est la pièce maîtresse : une fois publié, la collectivité doit s’y conformer point par point et veiller à ce que chaque candidat, réel ou potentiel, soit traité avec la même rigueur.
Notre avis d’expert - Allotissement L’AMI n’est pas un marché public, l’allotissement n’est donc pas imposé par les articles L 2113-10 et suivants du CCP. Pour autant, diviser la consultation en lots reste souvent pertinent : Un lot toitures, un lot ombrières de parking, un lot centrale au sol permet de garder la concurrence sur chaque segment, de ne pas écarter les PME locales au motif qu'elles ne sont pas "multi spécialistes" et d’utiliser plusieurs types de titres d'occupation (AOT pour les toits, BEA pour le sol, permission de voirie pour le parking - ces éléments seront traités dans la dernière partie de cet article). À l’inverse, un lot unique simplifie le pilotage et maximise les économies d’échelles ; la bonne clé est la cohérence technique – même point de raccordement, même calendrier de travaux, même horizon de fin de contrat. |
L'application du droit la commande publique pour les projets en autoconsommation

Lorsque la commune devient elle-même consommatrice, un second cadre juridique s’active : celui du Code de la commande publique. Quand les kilowattheures produits doivent alimenter l’hôtel de ville, les écoles ou le gymnase, la seule location du toit ne suffit plus. La fourniture d’énergie devient un marché à part entière.
Trois voies s’offrent alors à la collectivité :
Marché public classique de fourniture d'électricité : Procédure ouverte ou négociée. Le cahier des charges compare le prix du kWh, la performance technique et les retombées locales.
Marché global de performance énergétique (expérimental jusqu’au 31 décembre 2030) : Le même titulaire finance, installe, exploite et livre l’électricité ; la commune ne paie qu’au fil des kWh consommés. Efficace mais plus lourd : il faut une étude de soutenabilité budgétaire et un suivi contractuel précis.
Concession de service : Le concessionnaire investit et se rémunère sur les recettes d’électricité. La commune, elle, achète sa quote-part et transfère le risque de marché au délégataire. Ce modèle, sécurisant pour les banques, est aujourd’hui le plus répandu sur les projets patrimoniaux.
Opter pour la concession de service présente un avantage décisif : tout est verrouillé dans un seul acte. La collectivité publie une seule consultation, attribue simultanément le droit d’occuper le domaine public et la mission de construire, financer, exploiter puis lui livrer l’électricité. Le concessionnaire, rémunéré par la vente des kilowattheures, assume de fait le risque de production, de marché et de disponibilité. La commune, elle, évite le « couplage lourd » AMI + marché public. Le contrat unique simplifie le contrôle de légalité, garantit la cohérence technique entre le chantier et l’exploitation, et laisse au conseil municipal un seul interlocuteur à suivre pendant toute la vie de la centrale.
Choisir le bon contrat pour un projet photovoltaïque sur le domaine public communal

Il s'agit de choisir un contrat qui sécurise à la fois les intérêts de la commune et ceux du financeur. Une fois le lauréat de l’AMI désigné, le projet se formalise autour du titre d’occupation du domaine. Ce titre est déterminant : il confère au développeur un droit réel hypothécable, fixe les conditions financières (redevance), encadre les modalités de révocation, et surtout, constitue la garantie essentielle attendue par les établissements bancaires pour accorder leur financement.
Les trois outils réellement utilisés sur le domaine public communal sont le bail emphytéotique administratif (BEA), l’autorisations d'occupation temporaires (AOT) constitutives de droits réels et, pour la voirie, la permission de voirie.
Bail emphytéotique administratif : pour les grands projets
Le BEA confère un droit réel plein sur la parcelle et les ouvrages, publiable à la publicité foncière. Il fonctionne sur le même principe que le Bail emphytéothique, à la condition de qu'il soit utilisé pour la réalisation d'une opération d'intérêt général. Il peut durer jusqu’à 99 ans et reste le standard bancaire pour une centrale au sol ou une ombrière de plusieurs mégawatts. La sûreté est maximale, mais le plancher de 18 ans et l’acte notarié rendent le montage un peu lourd pour un bouquet de petites toitures. Il est par ailleurs impossible sur le domaine routier.
Autorisation d'occupation temporaire (AOT) constitutive de droits réels : la formule « multi-sites »
Le CG3P autorise une AOT qui crée un droit réel limité aux ouvrages (et non au sol). Le titulaire de l’AOT possède un droit réel seulement sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu’il réalise dans le cadre de l’exercice de son activité. la durée est libre, plafonnée à 70 ans pour les ENR, sans seuil plancher. Un même acte peut agréger dix toitures, un terrain et un parking, avec une annexe par lot. Les banques l’acceptent, car le droit réel est hypothécable ; la commune, elle, conserve la faculté de résilier pour motif d’intérêt général moyennant indemnité.
Concession de service : l’option « tout-en-un » pour l’autoconsommation
Une seule consultation remet les clés au même opérateur : droit d’occuper, construction, exploitation et fourniture. Le concessionnaire se rémunère sur les recettes d’électricité, assume le risque de production et de marché, et livre la part de kWh réservée à la commune à un prix plafonné. Le contrat intègre :
le projet d'AOT ou de BEA (droit réel hypothécable) ;
la grille tarifaire indexée ;
la clause step-in bancaire (remplacement du cocontractant s'il ne mène pas l'exploitation de manière à assurer un remboursement de son emprunt) et la garantie démantèlement.
Résultat : un seul acte, un seul stand-still (délai de suspension de la signature du marché), un seul contrôle de légalité, visibilité maximale pour les financeurs.
Le domaine public routier Un sous-ensemble mérite une attention spéciale : le domaine public routier. L’article L2111-14 le définit comme « l’ensemble des biens affectés aux besoins de la circulation terrestre » (chaussées, trottoirs, talus, parkings, murs antibruit, passerelles à l’exception des voies ferrées).
Le titre d’occupation est différent : il est nécessaire d’obtenir une permission de voirie. Dès qu’un projet mord sur la chaussée, un talus ou un parking relevant du domaine public routier, l’article L113-2 du Code de la voirie routière impose une permission ou un permis de stationnement. Le titre est précaire : la circulation prime et l’autorité routière peut retirer l’autorisation sans indemnité si un besoin supérieur surgit. Aucune sûreté réelle n’est créée ; pour sécuriser le financement, on le couple souvent à une AOT portant sur les ouvrages uniquement. |
Critère-clé | BEA | AOT | Concession | Permission de voirie |
Fondement légal | CGCT L1311-2 | CG3P L2122-6 | CCP L1121-3 & CG3P L2122-1-1 | CVR L113-2 |
Durée usuelle | 18 – 99 ans | Jusqu’à 70 ans (ENR) | Variable | 5 – 20 ans |
Domaine routier | Non | Oui (avec permission) | Oui, si AOT + permission annexés | Oui |
Acte & formalités | Acte notarié + publicité foncière | Acte administratif + publicité hypothécaire | Avis de concession, stand-still, contrôle préfectoral | Acte administratif simple |
Revenus | Redevance fixée librement | Redevance fixée librement | Redevance + prix du kWh | Barème de la commune |
Fiscalité foncière | Taxe foncière pleine | Valeur locative modulable | Selon le titre annexé (AOT ou BEA) | Barème de la commune |
Le spectre des contrats domaniaux est assez large pour couvrir toutes les configurations. La vraie clé ne réside pas dans le « nom » de l’acte, mais dans l’enchaînement rigoureux que l’on vient de parcourir :
Qualifier le domaine et le projet
Publier un AMI solide, bâti sur un cahier des charges détaillé.
Choisir la bonne procédure si la commune consomme les kWh.
Verrouiller le titre (ou la concession) avec un droit réel et une durée adaptée.
En suivant ce fil le solaire devient un investissement à long rendement : recettes stables, électricité locale, image climatique forte.
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