Vous a-t-on déjà proposé de signer un bail emphytéotique pour installer une centrale agrivoltaïque sur votre terrain ?
Vous offrant une perspective de revenu supplémentaire significatif, choisir une installation agrivoltaïque c'est aussi choisir un autre fonctionnement dans les relations propriétaire et exploitant agricole, puisqu'une tierce partie est ajoutée à l'équation : le développeur agrivoltaïque. Pour prendre en compte ce changement, vous aller devoir réviser, voire rompre, votre bail rural.
Mais pourquoi changer de type de contrat ? Il n'est pas possible de superposer un bail rural et un bail emphytéotique sur un même volume. Le bail emphytéotique et le bail rural sont deux contrats distincts, avec deux objets différents :
Le bail emphytéotique a pour objet l’amélioration, la réparation, la (re)construction, la démolition, la location ou l’entretien du bien.
Le bail rural consiste en la mise à disposition d'un immeuble à usage agricole pour y exercer une activité agricole. Il peut prendre deux formes : le fermage (versement d’un loyer au propriétaire) ou le métayage (partage du fruit des récoltes avec le propriétaire).
Le bail emphytéotique est le plus adapté pour une installation agrivoltaïque. Les montages contractuels des centrales agrivoltaïques sont très différents d’un développeur à l’autre : rupture de bail rural avec signature d’un commodat et d’une convention de service ou de coactivité avec l'exploitant agricole, rupture partielle de bail rural sur son volume haut, …
Toutes les solutions sont bonnes tant qu'elles sont bien négociées. Solaire Conseil vous explique ce qui vous attend en passant d’un bail rural à un bail emphytéotique. Pour en savoir plus sur l’agrivoltaïsme, consultez notre article dédié.
Pour quelle durée le bail est-il conclu ?
Un bail rural a durée minimum de 9 ans pour un bail de droit commun, et de 18 ans pour un bail à long terme. Cette distinction est importante notamment en ce qui concerne la transmission du bail, qui ne peut, sauf exception, se faire que dans le cadre familial pour un bail de droit commun.
Ici, le preneur agriculteur bénéficie d’un droit au renouvellement de son bail. Concrètement, il ne peut lui être refusé le renouvellement de son bail que sous certaines conditions strictes prévues par la loi (notamment une notification 18 mois à l’avance). Dans le cas où le bail ne serait pas renouvelé, du fait du bailleur ou du preneur, le preneur peut bénéficier d’une indemnité, appelée indemnité au preneur sortant, dans le cas où il aurait apporté des améliorations sur le fond. Cette indemnité s’élève au montant des travaux, réduit de 6% par année écoulée depuis leur réalisation.
La durée d’un bail emphytéotique doit être comprise entre 18 et 99 ans. Cette durée est impérative, il n’est pas possible de trouver un accord entre les parties pour rompre le bail avant les 18 ans (sauf résiliation judiciaire) ni de le proroger après 99 ans (il faudra signer un nouveau bail). C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’est pas possible de prévoir une reconduction tacite de ce bail, les parties doivent expressément exprimer leurs volontés de le reconduire. Par expérience, contrairement à un bail rural, un bail emphytéotique d’installation agrivoltaïque est signé pour 30 à 40 ans. Il est reconductible avec l’accord du bailleur pour une durée maximum de 50 ans.
Les relations entre un propréitaire bailleur et un exploitant agricole sont plus souples qu'avec un développeur agrivoltaïque. La difficulté de rompre le bail avant son terme (sauf faute du développeur) est tout à votre avantage.
Comment est calculé le montant du loyer ?
Le loyer du bail rural (excluant le métayage), appelé fermage, est encadré par arrêté préfectoral, qui fixe les minimas et les maximas en fonction de l’indice national des fermages. Son évolution est également encadrée et suit une formule bien précise : (loyer N-1) x (indice national des fermages N / indice national des fermages N-1). Enfin, contrairement au bail emphytéotique, toute la fiscalité ne repose pas sur le preneur (par exemple, c’est le bailleur propriétaire qui est redevable de la taxe foncière et de la prime d’assurance contre les incendies).
Pour le bail emphytéotique, le montant de la redevance n’est pas encadré. C’est le contrat lui-même qui va prévoit le loyer (appelé canon emphytéotique). Auparavant, il était estimé que le loyer d’un bail emphytéotique devait être modique, c’est, entre autres, ce qui le différenciait du bail à construction. Désormais, le loyer d’un bail emphytéotique n’est plus nécessairement modique, c’est le cas pour les installations photovoltaïques ou agrivoltaïques, où celui-ci peut être substantiel. Découvrez à quel montant de loyer vous pouvez louer vous terrain pour y installer des panneaux photovoltaïques.
Du point de vue de la fiscalité, le bailleur s’y retrouve également en ce qu’il n’est plus redevable de la taxe foncière, celle-ci étant à la charge du preneur. Aussi, l'acte constitutif de l'emphytéose est assujetti à la taxe de publicité foncière et aux droits d'enregistrement pour le preneur.
Vous passez d'un loyer encadré à un loyer libre. Pour éviter de se perdre entre propositions irréalistes et loyer sous-estimés, il est important d'être accompagné.
Droits et obligations du bailleur
Il existe des similarités dans les droits et obligations du bailleur pour un bail emphytéotique et un bail rural : obligation de délivrance (mise à disposition du terrain), droit de demander la résiliation du bail en cas de non-respect du contrat (fautes du locataire qui sont différentes suivant le type de bail) et obligations liées au droit commun des contrats. Le changement de contrat pour un projet agrivoltaïque n'entrainera pas de conséquences pour ces points précis. Mais il existe aussi beaucoup de différences liées à l’esprit de ces contrats.
Dans le cadre d’un bail rural, le bailleur bénéficie d’un droit à l’information et d’un droit de d’autorisation pour certaines modifications de son terrain. En cas de changement non prévu par le contrat de bail visant à améliorer l’exploitation, le preneur exploitant doit solliciter l’autorisation du bailleur. Le bailleur doit également être informé par lettre recommandée avec accusé de réception pour les travaux que le preneur souhaite effectuer sur le fond.
En contrepartie de ces droits, le bailleur doit garantir la jouissance paisible du bien (il ne doit apporter aucun trouble à l’exploitation), s’assure de l’entretien du bien loué et prend en charge les grosses réparations (les réparations locatives sont à la charge du preneur). Le bailleur doit aussi assurer la permanence et la qualité des plantations pour certains types de cultures tels que les vignes et les vergers.
Le bail emphytéotique est synonyme de liberté pour le bailleur. Il perçoit un loyer pour la location de son terrain pour le projet agrivoltaïque et bénéficie de l’ensemble des améliorations et constructions au terme du bail. En contrepartie, il ne doit que mettre à disposition son terrain.
Le passage du bail rural au bail emphytéotique déleste le propriétaire de bon nombre de ses obligations.
Droits et obligations du preneur
Le bail rural confie un droit personnel (droit d’exiger d’une personne quelque chose) au preneur, qui est la mise à disposition du terrain. Concernant les activités agricoles, le preneur bénéficie du droit d’exploiter à son propre compte tout ou partie du terrain agricole. Il bénéficie du droit de chasse.
Le preneur d’un bail rural peut également résilier le bail sous conditions. Pour la sécurité de son exploitation, il est également prévu qu’il bénéficie d’un droit de préemption pour les terres concernées par le bail.
En contrepartie, le preneur exploitant doit payer un loyer et user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination donnée par le bail. Les activités effectuées sur le terrain doivent être inscrites dans le bail. Dans le cadre d’un bail rural environnemental (bail rural spécifique imposant au preneur des pratiques respectueuses de l’environnement), il devra respecter les pratiques culturales convenues.
De son côté, le bail emphytéotique confie des droits réels (droit qui porte sur une chose) au preneur du terrain. A ce titre, ces droits sont cessibles, saisissables et hypothécables. Le bailleur change alors d’interlocuteur mais le contrat n’est pas modifié, il reste propriétaire du terrain, les éventuelles hypothèques portent sur le droit réel et non sur la propriété du terrain, elles cessent donc au terme du bail.
Le preneur du terrain peut également acquérir des servitudes, bénéficie du droit d’accession (extension du droit de propriété sur un chose mobilière ou immobilière à ce qu’elle produit ou qui s’incorpore à elle), du droit de chasse et de pêche et exerce à l’égard des mines, carrières et tourbières tous les droits de l'usufruitier.
Face à ces droits, le preneur a à charge des obligations légales à respecter. Il ne pourra pas se libérer de ces obligations en délaissant le terrain et la centrale agrivoltaïque. Outre le paiement du loyer, le preneur est tenu d’effectuer les réparations de toutes natures sur ce qui est existant sur le fond. Cette obligation concorde avec l’interdiction de diminuer la valeur du bien et l’impossibilité d’être indemnisé pour les améliorations réalisées sur celui-ci. Toute amélioration ne peut aussi pas être retirée (sauf accord du bailleur).
Les droits du preneur exploitant agricole garantis par le bail rural doivent être protégés lorsque celui-ci est rompu.
Comment rompre son bail ?
Un bail rural peut être rompu par le bailleur comme le preneur. Les parties peuvent à tout moment trouver un accord pour rompre le bail entièrement ou partiellement.
Le bailleur peut demander la résiliation du bail :
En cas de faute du preneur : deux défauts de paiement, non-respect du droit d’information, non-respect des clauses du contrat, etc. ;
Si le preneur agit de façon à compromettre la bonne exploitation du fond loué ;
En cas de sous-location ou de cession irrégulière du bail.
La rupture d’un Bail emphytéotique ne peut se faire que dans quatre cas :
18 ans après la signature du bail, les parties peuvent s’accorder pour rompre le bail ;
Les parties peuvent demander la résiliation du bail en cas de non-respect des clauses du contrat ;
Le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de non-paiement du loyer à deux échéances consécutives et à la condition qu’une mise en demeure ait été préalablement effectuée ;
Le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il constate une détérioration du fond par le preneur.
Dans les deux cas, la demande de résiliation du bail rural se fait par assignation devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Pour la résiliation amiable du bail, le passage devant un notaire est une formalité suffisante.
Passer d'un bail rural à un bail emphytéotique : bien négocier son contrat agrivoltaïque
Parmi "une soixantaine d'acteurs, pour la plupart des PME" (Les Echos, 6 juin 2024), et tout autant de stratégies, il est important d'être bien préparé et informé. La rupture d’un bail rural emporte des conséquences autant pour le propriétaire que pour l’exploitant :
Si le bail emphytéotique est synonyme de liberté pour le propriétaire, il met tout de même à disposition son terrain pour y installer des panneaux photovoltaïques. Il doit s’assurer que son contrat est suffisamment bien ficelé. En jeu pour lui : négocier un loyer substantiel (qui n’est plus encadré comme pour le bail rural) et se protéger des déconvenues liées au pratiques foncières de certains développeurs.
Pour le preneur exploitant agricole, il perd une partie de la sécurité que lui conférait le bail rural, en contrepartie d’un revenu complémentaire conséquent. Tout l’enjeu des négociations est de garantir à l’exploitant une conduite d’exploitation sereine et facilitée par l’installation agrivoltaïque.
L’agrivoltaïsme reste avant tout une opportunité pour le propriétaire et l’exploitant, mais la contractualisation de ces projets est un processus qui comporte des risques. Le meilleur moyen de tirer un maximum de bénéfices pour un tel projet est de se faire accompagner.
Chez Solaire Conseil, nous vous accompagnons de A à Z dans votre projet, en suivant vos besoins, afin de négocier les meilleures conditions financières et juridiques.
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